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LES POÈTES DU TERROIR

« La limite des deux langues — écrit M. J. Loth — va de Plouha (près de la Manche) à l’embouchure de la Vilaine, englobant dans le domaine du breton, Guingamp, Pontivy, Locminé, Vannes. Il y a un siècle ou deux, on parlait breton dans une grande partie de la péninsule de Guérande ; on ne le parle plus de ce côté que dans quelques hameaux avoisinant Batz. Il y a donc encore peu de temps, le breton dominait sur toute la côte sud, à peu près jusqu’à l’embouchure de la Loire. On remarquera que la ligne de démarcation fléchit considérablement vers l’ouest, à l’intérieur, et que sur la côte nord le breton a perdu à peu près toute l’étendue des anciens évêchés de Saint-Brieuc, Saint-Malo et Dol[1]. »

Il y a deux époques distinctes dans l’histoire de la culture bretonne ; l’une, héroïque, précédant la Révolution et l’Empire ; l’autre, contemporaine, s’inspirant de Brizeux et acquérant son plus grand développement en 1889, avec la publication du Parnasse Breton, de M. Louis Tiercelin : toutes deux également traditionnelles et dignes d’être observées tour à tour. On l’a dit, le véritable titre littéraire de la Bretagne, c’est sa merveilleuse collection de légendes et de chansons populaires. Son mérite le plus sûr, ajouterons-nous, c’est d’en avoir perpétué le souvenir. Œuvre considérable, qui s’est accrue avec les ans, qui s’accroît chaque jour de nouvelles découvertes, la poésie d’expression celtique est le plus souvent orale, et partant anonyme. Ses premiers monuments ne sont peut-être pas aussi anciens qu’on l’a cru, mais ils se distinguent de toutes les compositions du même genre, recueillies sur le sol de la vieille France, par une saveur archaïque, une puissance évocatoire qu’on serait eu peine de trouver ailleurs.

« Une seule province, écrivait en substance George Sand (Promenades autour d’un village, p. 206), est à la hauteur de ce que le génie des plus grands poètes et celui des nations les plus poétiques ont jamais produit. Nous voulons parler de la Bretagne. » En 1836, Émile Souvestre évaluait le nombre des textes originaux réunis à huit ou dix mille. Les travaux récents des folkloristes et des philologues prouvent qu’il était loin d’en avoir fixé le chiffre exact.

Peu de témoignages des premiers âges sont parvenus jusqu’à nous. Ce n’est qu’à partir du xvie siècle que les bardes bretons ont commencé à imprimer sur des feuilles volantes leurs gwerzious et leurs sonious, que colportaient, de pardon en par-

[2]

  1. L’Emigration bretonne en Armorique ; Paris, Picard, 1882, in-8°.
  2. C’est la forme de chants la plus usitée en Bretagne « bretonnante ». Les gwerzious, selon la définition fournie par F.-M. Luzel (avant-propos du tome II des Gwerziou Breiz-Izel), sont des « chants sombres, fantastiques, racontant des apparitions surnaturelles, des