don, les chanteurs ambulants. Au xviie et au xviiie siècle, la production littéraire devient très intense, sans que l’on parvienne à rien connaître des auteurs de ces mélopées, complaintes, fantaisies, etc., qui révèlent d’une manière si saisissante l’âme de la race. Il semble que c’est là un apport mystérieux dos foules plutôt qu’une création d’art. Un nom seul domine cette première période : celui de Michel le Nobletz de Kéroden, écrivain populaire qui, vers la fin du xvie siècle, tenta de faire échec au courant français établi par le gouvernement d’Île-de-France. Michel le Nobletz allait de ville en ville, prêchant le retour aux idées celtiques, déclamant des poèmes de sa composition, dont les copies se vendaient par milliers. Son succès fut assez grand pour lui valoir des disciples qui, après sa mort, continuèrent son œuvre[1]. Action vaine, qui ne devait pas avoir de lendemain. Quelques villages seulement tentèrent de soulever le joug. Le réveil de l’âme celtique devait avoir lieu beaucoup plus tard. Au début du xixe siècle, Le Gonidec, Brizeux, Émile Souvestre, La Villemarqué, s’employèrent à la résurrection de l’art provincial. D’autres les suivirent : Luzel, Anatole Le Braz, Narcisse Quellien, etc. Parmi les premiers, il en est un qui mérite une place à part, non point seulement a cause de sa contribution à la renaissance poétique, mais parce que son bagage, après avoir connu l’engouement du public et des savants, est renié aujourd’hui par ceux-là mêmes qui devraient lui reconnaître une sorte de priorité. Nous avons nommé le vicomte Hersart de La Villemarqué. Lorsque, en 1838, il publia le Barzaz Breiz (Le Barde de Bretagne), il était loin de se douter que ce recueil de chants populaires aurait un tel retentissement et provoquerait par la suite tant de colères et de violences. Nous n’avons ni le loisir ni la compétence nécessaires pour intervenir daus une querelle qui a trop duré. L’œuvre de La Villemarquc n’est pas pure, nous en convenons, mais elle a concouru plus qu’aucun ouvrage d’érudition au développement de la pensée celtique. Outre cela, elle offre de telles beautés qu’on est tenté de passer condamnation au génie de son collecteur. Les recueils de gwerzious et de sonious formés plus tard par Luzel et continués par M. Anatole Le Braz, bien que d’une incontestable authenticité, sont loin de valoir le Barzaz Breiz. Sans La Villemarqué, connaîtrions-nous les mer-
- ↑ Cf. Maurice Duhamel, article cité.
infanticides, des duels à mort, des trahisons, des enlèvements et des violences de toutes sortes. Dans les sonious « respire un autre ordre d’idées et de sentiments plus tendres et plus humains : chants d’amour, douces élégies, illusions et désillusions, refrains de danses, jeux et rondes enfantines ». « La gwerz, dit ailleurs le même écrivain, est la poésie des hommes forts et robustes, des hommes d’action, des caractères opiniâtres et vigoureusement trempés ; la sône est la poésie des femmes, des amoureux et des rêveurs. »