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BRETAGNE

duction de Dante (La Divine Comédie, Paris, 1841, in-16) et donné avec Auguste Barbier le texte d’un Voyage en Italie (1841). Ce dernier, qui l’avait connu en 1828, et qui demeura son ami le plus intime, l’a dépeint exactement, dans ses Reliquiæ, « avec sa taille élancée, son teint frais et ses cheveux blonds qui lui donnaient l’air d’un jeune Anglais ». C’est sous cet aspect que l’on aime à se le représenter. Au demeurant, ce fut un triste que la fortune ne favorisa jamais. On prétend qu’il fit le coup de feu, en 1830, avec les libéraux de l’école du Globe.

Lamartine, en 1848, avait fait augmenter la pension qu’il touchait des ministères de l’instruction publique et de l’intérieur et qui constituait son unique ressource. Sainte-Beuve, le considérant comme un rival et ne lui pardonnant pas sa prompte notoriété du début, l’accusait de n’aimer « le courtil et le moustoir » qu’en vers ; mais Luzel a raconté qu’il se plaisait parmi les paysans et les fermiers dos environs de Scaër, et qu’avant d’entrer dans une métairie il ôtait toujours son chapeau, par respect pour le laboureur. On sait avec quel plaisir il revenait en Bretagne. « Après avoir consacré quelques semaines aux joies de la famille, il se retirait dans un bourg, loin des villes, le plus ordinairement dans une mauvaise auberge, seul gite qu’il pût se procurer : qu’importe ? il y trouvait les longues causeries du soir dans la langue du pays, au coin de la vaste cheminée, avec des paysans à qui il chantait ses vers bretons et parmi lesquels il a rencontré plus d’une fois des appréciateurs intelligents… Dans le pays de Vannes, comme dans le pays de Tréguier, à Carnac et dans les îles, il allait rassemblant ses meilleurs traits de poésie, dont son œuvre a si bien profité[1]. »

Quelqu’un a noté que ses idylles de Marie équivalent à un aveu et nous offrent l’histoire pathétique de son cœur de poète. Brizeux les écrivit, les yeux baignés de larmes, en se remémorant les touchants souvenirs du jeune âge. Qui dira jamais la puissance évocatrice de ses autres œuvres, et en particulier du poème des Bretons, admirable épopée où revit tout entière

La terre de granit recouverte de chênes ?

« Les critiques étrangers à la Bretagne, observe un de ses compatriotes, ne peuvent juger à quel point les couleurs en sont justes, les caractères saisis sur le vif… »

Les pièces qui composent le recueil de la Fleur d’Or sont élégantes et d’un air raffiné : Primel et Nola, gracieux pendant de ses premiers tableaux, les Histoires poétiques et la Poétique nouvelle abondent en trouvailles et participent d’une noble inspi-

  1. Voyez dans la préface aux Œuvres de Brizeux, donnée par Saint-René Taillandier, le passage relatif aux souvenirs de Guieyesse.