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Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/396

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LES POÈTES DU TERROIR

« cette promenade si poétique avec ses beaux arbres, ses grands lauriers-roses, sa statue équestre de Louis XIV et son château d’eau entouré d’une colonnade d’où l’on aperçoit, sous un ciel d’une pureté idéale, d’un côté les premiers contreforts des Cévennes, de l’autre les ruines de Maguelonne, au bord de la mer de Provence ». Son corps, ramené dans sa ville natale, y fut inhumé à quelques pas du « Scorf », prés d’un chêne et d’une pierre celtique surmontée d’une croix, symboles de son œuvre. Bien qu’il n’ait cessé de voyager, partageant le plus souvent son existence fiévreuse et mélancolique entre Paris et l’Italie, Brizeux se donna tout entier à sa province.

C’est peu après 1831 qu’il se révéla au public. Auparavant, il avait fait jouer, mais sans grand succès, un à-propos en vers pour l’anniversaire de Racine[1]. Un amour de sa première jeunesse, presque de son enfance, lui était revenu au cœur, lui inspirant l’adorable poème de Marie[2], tout imprégné des souvenirs de la ferme du Moustoir et des fraîcheurs de sa rivière natale : œuvre unique dans notre littérature et dont l’influence n’a cessé de se faire sentir. Marie, qu’il y chantait, n’était pas, ainsi qu’on le crut tout d’abord, un personnage imaginaire, mais une jeune paysanne qu’il avait connue avant l’âge de quinze ans, au temps des vacances, à Arzannô, près de Quimperlé, en plein pays de Cornouaille. Elle s’appelait « Marianna Pellann » : ses compagnes l’avaient surnommée « Marie Bitik ». D’une beauté modeste, elle ne parlait que le breton, et quand elle mourut, longtemps après, « riche fermière, bonne épouse et mère honorée », elle n’avait pas lu, dit-on, un seul vers du poème dont elle était l’héroïne inconsciente. Brizeux ne connut pas, par la suite, un succès égal à celui qu’obtint ce premier livre. Il publia encore Kanaouennou [Chants] (Paris, Duverger, s. d. [1837], in-12) ; Paotred Plomeur [Gas de Plomeur] (Kemper, éti Blot, 1839, in-18) ; Les Ternaires [La Fleur d’or] (Paris, Masgana, 1841, in-8o) ; Télen Arvor [La Harpe d’Armorique] (Lorient, 1844, in-8o) ; Furnez Breiz [La Sagesse de Bretagne] (ibid., in-8o) ; Les Bretons (Paris, Masgana, 1845, in-8o) ; Primel et Nola (Paris, Garnier fr., 1852, in-16), et enfin Histoires poétiques (Paris, Lecou, 1855, in-18) ; L’Elégie de la Bretagne (Nantes, impr. Forest, 1857, in-8o) ; mais ces recueils, où transparait son unique préoccupation des choses du pays, passèrent presque inaperçus.

Après un séjour dans le Midi, il avait fait paraître une tra-

  1. Il fut écrit en collaboration avec Philippe Busoni et représenté sous ce titre : Racine, au Théâtre-Français, le 27 septembre 1827.
  2. La première édition parut sans nom d’auteur, avec le sous-titre de roman, en septembre 1831 : elle porte la date de 1831 (Paris, Auffray, in-8o). L’ouvrage fut de nombreuses fois réimprimé et subit quelques remaniements. La troisième édition, publiée on 1840, est la meilleure de toutes celles qui furent données jusqu’à ce jour.