Quand ta masse combat l’ouragan irrité,
C’est alors qu’il faut voir ton horrible beauté !
Athlète aux larges reins, sombre et plein de fierté,
Tu restes là debout, seul avec la tempête.
Vous ne pouvez vous vaincre en ce puissant effort,
Et vous semblez tous deux, quand la mer devient basse,
Arrêtant un moment la lutte qui vous lasse,
Vous éloigner un peu pour prendre de l’espace
Et pour voir de nouveau qui sera le plus fort !
Sur tes rochers où fond l’onde tumultueuse,
Parmi les blancs esquifs sous tes murs balancés,
Et derrière ces forts, de canon hérissés,
Qui sont au sein des eaux tes gardes avancés.
Tu te montres de loin haute et majestueuse !
Ton aspect fait plaisir à l’œil des matelots.
Comme un vaisseau géant qui dans l’orage échoue,
De tes vastes remparts que la vague secoue,
Tu semblés, comme avec le tranchant d’une proue,
Battre la grande mer pour te remettre à flots.
Ô cité merveilleuse, ô beauté de nos grèves,
Quand la lune est cernée et pâle en se levant,
À te voir immobile au bord du flot mouvant,
Sous ton voile de brume où murmure le vent,
Indécise et muette, on dirait que tu rêves ;
La terre avec amour semble te retenir,
Et l’Océan jaloux, en frémissant d’ivresse,
Avec ses bras fougueux t’environne, te presse,
Et voudrait, en soupirs t’exprimant sa tendresse,
Dans son lit orageux te forcer à venir.
Peut-être quelque jour tu briseras ta chaîne,
Et, te laissant aller à ses bras caressants,
Tu redeviendras île ; et, dans leurs vœux pressants,
Tes filles au teint brun, aux yeux noirs ravissants,
Pleureront leurs amants de la rive prochaine ;
Leurs amants qui, le jour, n’attendront que le soir,
Qui, Léandres nouveaux, sur les vagues amères
Iront chercher l’objet de leurs douces chimères,
Et qui rendront les nuits bien tristes à leurs mères,
Quand le vent soufflera plus fort sous le ciel noir.