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LES POÈTES DU TERROIR

Oh ! je t’aime ! oli ! oui, va, je t’aime, mon vieux bourg ?
Et voilà cependant, voilà bien des automnes
Que je n’ai vu tomber sur moi les feuilles jaunes
De tes arbres aimés, et sur son noir rocher
Trembler au vent du sud ton antique clocher !
Pardon, ô mon pays ! une femme adorée
(Son repos le commande, et c’est chose sacrée),
Pour elle et son enfant, pour mes parens chéris,
Veut que loin de ton ciel je vive en ce Paris ;
En ce Paris, égout plein de bruit et de fange,
Où contre de l’argent l’honneur vite s’échange,
Où tous dédaignent l’âme et font fête à l’esprit,
Où, lâcheté du cœur, l’on oublie et l’on rit ;
En ce Paris sans mer, sans vent et sans campagne,
Et qui ne te vaut pas, mon vieux bourg de Bretagne !

(Elie Mariaker, 1834.)


SAINT-MALO


Saint-Malo, que crains-tu des cités maritimes ?
Pas même Brest avec ses vastes arsenaux.
Sous ton dais débrouillards, le front ceint de créneaux,
Le pied sur l’Océan, tu règnes, et les eaux
Courbent autour de toi leurs écumantes cimes !
À peine adolescents, tous tes fils sont marins ;
Vrais alcyons des mers, le long de ton rivage
Ils ont leurs nids bâtis en face de l’orage,
Et, de l’aile bientôt rasant le flot sauvage,
Ils partent, que les cieux soient sombres ou sereins !

Tes enfants t’ont laissé des noms dont tu fais gloire ;
Cartier, qui le premier dans sa route aborda
Au rivage inconnu du lointain Canada ;
Duguay-Trouin, que rien jamais n’intimida ;
Et Surcouf, ce corsaire à l’étonnante histoire !
Toi, pour qui toute escadre aurait de vains défis,
Toi, qui sous les efforts des saisons mutinées
Ne sens en toi, devant les vagues obstinées,
Trembler que sur ton front tes hautes cheminées.
Tes flancs étaient bien faits pour avoir de tels fils !
Les tourmentes d’hiver te font des jours de fête.