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LES POÈTES DU TERROIR

Un matin, on trouva le maître
La tête renversée au mur,
Les yeux fixes, couleur d’azur,
Sous un rayon de sa fenêtre.

Le livre ! il venait de l’ouvrir ;
Son doigt marquait encor la page
Où, loin d’Iseult au clair visage,
Tristan désolé va mourir.

Ô jour d’angoisse et de pesance !
Elle est l’âme de son désir…
Mais il rend le dernier soupir
En face de la mer immense.

Iseult arrive… Mais trop tard !
Tristan, sur son lit funéraire,
Étendu dans la paix dernière,
La cherche d’un œil sans regard.

Alors, ne poussant cri ni plainte,
Iseult sur l’ami sans couleur
Posa sa tête avec son cœur…
Et c’est là qu’elle s’est éteinte.

À ce moment de son récit,
Tenant le livre du trouvère,
Gotfrit en un songe sévère
Avait cessé de vivre aussi.

Comme en automne la feuillée
S’échappe en longs frémissements,
Au dernier baiser des amants
Son âme s’était envolée.

(La Légende de l’Alsace.)