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ALSACE

C’était d’Iseult et de Tristan
La longue et l’amourense histoire.

Beau livre ! qu’il ne quitta plus…
La gloire, lueur éphémère,
Le monde et toute sa chimère
Dès lors lui furent superflus.

Dans la forêt de la Légende,
Comme en un rêve d’amoureux,
Plongea le maître bienheureux.
Poursuivant la reine d’Irlande.

Sous les dômes frais et feuillus,
Soudain il oublia le monde ;
Car c’était la forêt profonde,
Le bois dont on ne revient plus.
 
Et la merveilleuse aventure
D’Iseult à ce point le tenta,
Que l’histoire en son cœur chanta
Comme une source au long murmure.

Il redit le philtre enivrant
Qu’ils burent dans un jour d’ivresse ;
Comme cette heure enchanteresse
Fit de leur vie un seul torrent.

Il dit la destinée étrange,
Le nain Mélot et le roi Marc,
Le labyrinthe du hasard.
Le dédale du cœur qui change.

Il dit le doux, il dit l’amer,
Et cette passion profonde
Qui, montant toujours comme une onde,
Devint comme l’immense mer !…

Ainsi coulèrent les années.
Avec leur joie, avec leurs pleurs,
Les beaux amants semaient des fleurs
Et des perles dans ses journées.
 
Il vécut bienheureux et seul
Dans sa forêt douce et profonde,
N’ayant d’autres amours au monde
Que ceux de Tristan et d’Iseult.