La mer est basse. On voit, comme dans un grand parc
Où dort un troupeau noir de bêtes monstrueuses,
On voit, couchés aux bords des passes tortueuses,
Des groupes inégaux de rochers, dont les flancs,
Frappés par le soleil, sont tout étincelants.
Sous le vert goémon qui leur sert de crinière,
Immobiles, muets et baignes de lumière,
Ces monstres sous-marins, ces horribles rescifs,
Comme des ours domptés semblent inoffensifs ;
Mais leur aspect hideux vous glace et vous repousse.
Pourtant cette soirée est charmante, et si douce
Que les regards, séduits par sa tiède clarté,
Prêtent à chaque objet un reflet de beauté…
Non, la sérénité du jour n’est qu’apparente :
Sous ce calme trompeur la nature est souffrante.
L’azur éclate au ciel, mais l’air est étouffant.
La mer s’est endormie au soleil, et le vent
De son aile légère en ride à peine l’onde ;
Mais dans son lourd sommeil la mer sourdement gronde,
Comme un volcan trop plein où bout la lave en feu.
Des bords de l’horizon, tout à l’heure si bleu,
D’épais nuages gris montent, montent sans cesse.
Et, jetant un linceul sur le soleil qui baisse,
Font à ce jour doré qui plaît tant au regard
Succéder brusquement un jour morne et blafard ;
Et les oiseaux de mer, qui pressentent l’orage,
Regagnent, en criant, les rochers du rivage.
Ces oiseaux ont raison : oui, c’est bien l’ouragan
Qui vient avec le flux et gonfle l’Océan.
Avez-vous vu là-bas trembler un éclair pâle ?
Entendez-vous ces bruits roulant comme un sourd râle ?
Oui, c’est bien l’ouragan ; mais il est encor loin.
Eh ! qu’importe où qu’il soit.’Je suis votre témoin,
Ô pêcheurs de Pen-Marc’h, dignes fils des vieux Celtes,
Dont un cœur indompté fait battre les flancs sveltes :