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BRETAGNE

Cheminait une pauvre femme ;
Fervente pèlerine, avec son bâton blanc,
Elle allait les pieds nus et d’un pas chancelant
À l’église de Notre-Dame.

Arrivée à l’autel : « Sainte Vierge, je viens
Parce que je vous aime et que je me souviens
De mon premier pèlerinage.
A genoux, de ces murs j’ai fait trois fois le tour ;
Je vous priais alors, avec des pleurs d’amour,
De féconder mon mariage.

« Dix mois après, un fils, un ange du Seigneur,
Egayait ma cabane et dormait sur mon cœur ;
J’essayais mes chansons de mère.
Grand-père, au coin du feu, riait de m’écouter,
Et cependant, hélas ! j’avais tort de chanter,
Car cette vie est bien amère.

« Le roi veut des soldats, et, demain, notre enfant,
Si vous l’abandonnez, si rien ne le défend,
Va nous être pris pour l’armée ;
Et nous, tristes vieillards, que ferons-nous alors ?
Ahl l’on pourra bientôt semer l’herbe des morts
Devant notre porte fermée.

« Pour préserver mon fils, j’ai fait ce que j’ai dû.
J’ai cueilli, vers le soir, dans un sentier perdu,
Le gui, le trèfle et la verveine ;
J’ai fait bénir au bourg une bague d’étain.
J’ai lavé les habits qu’il portera demain
Dans l’eau d’une sainte fontaine.

« Il manquait un secours plus puissant et plus doux,
J’ai pris mon bâton blanc, et me voilà chez vous !
Je n’ai ni couronne ni cierge.
Nous, pauvres laboureurs, nous ne vous donnons rien,
Nous venons cependant, vous nous connaissez bien.
Et vous êtes la bonne Vierge !

« Vous sauverez mon fils ! Vous nous l’avez donné,
Et vous ne voulez point que, seul, abandonné,
On le chasse de sa montagne ;
Non, vous ne voulez point qu’on enchaîne ses pas