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LES POÈTES DU TERROIR

Dans les murs d’une ville où l’on ne parle pas
Le doux langage de Bretagne !

« Notre enfant est à nous ! Je ne croirai jamais
Que l’heure du repas arrive désormais
Sans que ma table nous rassemble !
Mais notre vie à nous, n’est-ce pas de le voir ?
On partage avec joie un morceau de pain noir
Tant qu’on peut le manger ensemble.

« Un jour, sainte patronne, — un prêtre me la dit,
S’échappant en secret, votre fils se rendit
Au temple d’une grande ville.
Vous le cherchiez partout, le pleurant, l’appelant,
Implorant de chacun ce mot si consolant :
 « Le voici ! retournez tranquille ! »

« Eh bien. Reine du ciel, ce mot tant désiré
Quand vous avez soufFert, quand vous avez pleuré,
Faites qu’aujourd’hui je l’obtienne !
Dites à votre enfant, maintenant souverain,
Que l’absence d’un fils est le plus grand chagrin
D’une pauvre mère chrétienne.

« Adieu, Marie, adieu ! mes vœux sont écoutés !
En chantant vos grandeurs et surtout vos bontés,
Je vais regagner ma demeure.
J’entrai bien faible ici, je suis forte en sortant :
Il ne partira pas !… il me reste… et pourtant,
Malgré moi, je tremble et je pleure ! »

Le chrétien, le Breton qui raconte ceci
Connaît la pèlerine et son enfant aussi,
Et le soir, au pied du Calvaire,
Le jeune homme, aujourd’hui fermier à Kerenneur,
Lui redit bien souvent qu’il doit tout son bonheur
À la patronne de sa mère.

Livre des mères, 1854.)