Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
422
LES POÈTES DU TERROIR

une science incomparables, il a cherché et recueilli tous les témoignages populaires : drames, contes, chansons et légendes du terroir. Son œuvre est immense, et ce n’est pas sans raison qu’il fut surnommé « le Juif errant de la basse Bretagne ». Folkloriste des plus éminents, après tant de courses fructueuses, il a rapporté quatre volumes de gwcrzious et de sonioiis : Gwerziou Breiz Izel (Lorient, E. Corfmat, 1868-1874, 2 vol. in-8o) ; Soniou Breiz Izel (Paris, Bouillon, 1890, 2 vol. in-8o). On lui doit encore : Sainte Tryphine et le Roi Arthur, mystère breton, texte et trad. (Morlaix, Haslé, 1865, in-12) ; De l’Authenticité des chants du Barzaz Breiz (Paris, Franck, 1872, in-8o ; Veillées bretonnes (Morlaix, impr. Mauger, 1879, in-12) ; des Légendes chrétiennes de Basse Bretagne (Paris, Maisonneuve, 1881, 2 vol. in-16), et des Contes populaires, etc. (ibid., 1887, 3 vol. in-16) ; une excellente étude littéraire : Deux Bardes bretons, Brizeux et Prosper Proux (Quimperlé, Clairet, 1889, in-8o) ; La Vie de saint Gweneolé, mystère (Quimperlé, Ch. Cotonnec, 1889, in-8o) ; enfin, il s’est fait une place à part avec des poèmes originaux : Les Chants de l’épée (1856, in-18) ; Bepred Breizad (Toujours Breton), poésies bretonnes, avec trad. française (Morlaix, J. Haslé, 1865, in-8o) ; Jean Kergoglor, le chanteur nomade (1891, in-8o), où, en digne fils instinctif des anciens maîtres armoricains, il a inscrit son amour du sol ancestral. Ce n’est point par vaine rhétorique qu’il s’est écrié, dans la préface du second de ces livres : « Les vieux bardes ont prédit à notre langue l’éternité des roches de nos landes et de nos rivages, et des mains pieuses et dévouées sont toujours occupées à entretenir le feu sacré des traditions nationales et à les transmettre, à travers les âges, à nos derniers descendants, quasi cursores vitaï lampada tradunt.

« Une voix éloquente et chère à la Bretagne a dit : Les souvenirs de nationalité sont indestructibles ; ils peuvent être obscurcis, altérés, submergés parfois, au milieu de la tourmente, mais ils ne périssent jamais… »

Il faut lire en entier cette page vibrante d’émotion, il faut lire toutes celles qu’il a écrites depuis, pour bien comprendre cet esprit d’élite, chez qui le goût traditionniste et le culte des paysages familiers égalent le génie d’expression.

On l’a opposé parfois à La Villemarqué. Moins artiste que l’auteur du Barzaz Breiz, il est plus sincère. Son inspiration prend sa source dans l’âme du peuple et rend à ce dernier plus qu’elle ne lui doit.

« Partant de ce principe que la poésie populaire est véritablement de l’histoire, de l’histoire littéraire, intellectuelle et morale, il pensa qu’à ce titre il n’est permis d’en modifier ni l’esprit ni la lettre. Il s’attacha donc à recueillir les chants et les récits tels qu’il les trouvait dans les campagnes, incomplets, altérés, interpolés, bizarres, mélange singulier de beautés et de