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LES POÈTES DU TERROIR

YVONNE ANN DU


Le Comte a fait ouvrir la chambre
La plus belle de son manoir ;
Il y répand des parfums d’ambre ;
Le Comte attend quelqu’un, ce soir.

Mais quelqu’un qui vient en cachette,
Car au manoir de Kersauzon
Tout dort, et seule une chouette
Vole aux abords de la maison.

Le Comte vient d’ouvrir la porte ;
J’entends qu’on se parle tout bas…
C’est vous, Yvonne, presque morte,
C’est vous qui tombez dans ses bras.

La chambre rose qu’il éclaire,
C’est pour vous, Yvonne aux yeux doux ;
Tous ces parfums, c’est pour vous plaire,
Ce feu qu’il allume est pour vous.

C’est pour vous que monsieur le Comte
Mit ce soir ses plus beaux habits !
Yvonne, vous n’avez pas honte,
Vous, la mangeuse de pain bis !

Yvonne qui gardiez les oies
Par les landes, Yvonne Ann Dû,
Qu’on vous fasse ici tant de joies.
Non, cela ne vous est pas dû.

Ces habits sont trop beaux, fillette,
Et ce feu qui flambe est trop clair ;
Ce parfum si doux m’inquiète,
Et j’entends des propos dans l’air.

Vous entrez à la nuit venue,
Seule, sans bague et sans bouquet ;
Quand vous traversiez l’avenue,
Le vieux Kemener se moquait.

Vous êtes belle, blonde fille ;
La chambre s’ouvre aux yeux d’azur,