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BRETAGNE

Et contre l’étranger pas un duc, pas un comte
N’ose lever la tête et crier : Hors d’ici !

Bertrand, l’humble seigneur, le chétif capitaine,
Sans argent, sans soldats, de sa morgue hautaine
Éclabousse l’orgueil du maître et du vainqueur ;

Mais s’il parle de délivrance et de victoire,
Son rêve est insulté par un rire moqueur !…
L’âme de du Guesclin pleure dans l’Aigle Noire !

II


L’aigle est rouge !… Seigneur de la Roche-Tesson
Et conseiller du roi, dans le bourg et la ville,
Il passe, et son appel a rassemblé par mille
Routiers, serfs, malandrins dressés à sa leçon.

Chevalier banneret, il caracole, au son
Des fanfares, groupant sa troupe qui défile ;
Le voilà chambellan, comte de Longueville,
Qui lève son épée arrachée à Tarron.

Il commande, et partout ses bandes enflammées
Le suivent. Pour la France il en fait des armées !
Il en fait des vainqueurs ! C’est Mantes ! C’est Meulan !

C’est Cocherel !… Soldats recrutés dans le bouge
Ou la chaumière, ils l’ont suivi d’un même éhm…
L’âme de du Guesclin frémit dans l’Aigle Rouge !

III


L’aigle est d’or !… Maintenant les vaincus ont pu voir
Se lever sur les Lys l’aube de délivrance ;
Des bords de la Garonne aux rives de la Rance,
C’est Lancastre qui fuit après le Prince Noir.

Car messire Bertrand a fait tout son devoir ;
Brave jusqu’à l’excès et fidèle à l’outrance,
Se souvenant qu’il est connétable de France,
Il lutta tout le jour et n’est tombé qu’au soir…

Mais sa gloire survit, et tout un peuple pleure
Le cœur le plus vaillant et l’àme la meilleure,
Un héros que, mort même, on aime et craint encor ;

Et quand le Roi, pour de royales funérailles,
Conduit à Saint-Denis ce gagneur de batailles.
L’âme de du Guesclin plane dans l’Aigle d’Or !