Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
493
BRETAGNE

CHARLES LE GOFFIC

(1863)


… Il naquit le 14 juillet 1863, à Lannion, ancienne petite ville de Bretagne. « Il coula de longues heures à voir, sur les quais, les eaux paresseuses du Léguer caresser mollement les coques noires des cotres et des chasse-marée. Il mena ses premiers jeux dans les rues montueuses, à l’ombre de ces vieilles maisons aux poutres sculptées et peintes en rouge, aux murs que les ardoises revêtent comme d’une cotte d’armes, azurée et sombre. Il courut sur le pont à dos d’àne et à éperons qui, près du moulin, ouvre la route de Plouaret… Par la suite, il étudia… Au sortir des études, Charles Le Goffic fit des vers, et ils parlaient d’amour, et cet amour était breton. Il était tout breton, puisque celle qui l’inspirait avait grandi dans la lande, que celui qui l’éprouvait y mêlait du vague et le goût de la mort. Le poète nous apprend que sa bien-aimée, paysanne comme la Marie de Brizeux, avait dix-huit ans et se nommait Anne-Marie[1]… » Son premier livre eut pour titre Amour breton ; il parut chez l’éditeur Lemerre en 1889. Auparavant, M. Le Goffic était venu se fixer à Paris, et, en compagnie de Jules Tellier, de MM. Maurice Barrès et La Tailhède, avait fondé Les Chroniques, vaillante petite revue qui eut son heure dans l’évolution littéraire. Entre temps, il s’adonnait au professorat et faisait paraître ses premiers essais. Un vif succès répondit à son attente du début. Amour breton le classa dans le public et le fit apprécier des poètes. M. Maurice Barrès, exaltant à la fois le côté provincial du livre et le pays de l’auteur, écrivit : « M. Charles Le Goffic sort des campagnes bretonnes. L’empreinte de ce ciel brumeux ne s’efface pas après vingt générations ; lui, Le Goffic, l’a fait voir dans toute sa fraîcheur. J’ai vu à Paris des filles avec les beaux yeux des marins qui ont longtemps regardé la mer. Elles habitaient Montmartre, mais ce regard qu’elles avaient hérité d’une longue suite d’ancêtres ballottés par les flots, me parut admirable dans les villes. Je vois que Le Goffic est tout fait de traits charmants qui lui viennent des vieux laboureurs et pêcheurs bretons… »

  1. Anatole France, La Vie littéraire.