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LES POÈTES DU TERROIR


Misère (ainsi s’appelail-elle)
Allait nu-tête et pieds déchaux ;
Mais ce n’est pas sous la dentelle
Que battent les cœurs les plus chauds.
Et, se penchant sur la pauvrette,
Qui grelottait, blême et sans voix,
Elle mit à sa collerette
Les fleurs qu’elle gardait aux doigts.

Et depuis lors nulle menace
N’a prévalu contre l’enfant :
L’ajonc, c’est la Force tenace
Qui dompte le roc étouffant ;
Et la bruyère dont s’embaume
Le pur cristal des nuits d’été,
De son discret et tiède arôme
Dit Grâce aimante et Charité…

Doux compagnons à l’âme fière,
Debout au seuil des temps nouveaux,
Dans vos pensers, dans vos travaux,
Mêlez l’ajonc à la bruyère.


PRINTEMPS DE BRETAGNE


Une aube de douceur s’éveille sur la lande :
Le printemps de Bretagne a fleuri les talus.
Les cloches de Ker-Is l’ont dit jusqu’en Islande
Aux pâles « En Allés » qui ne reviendront plus.

Nous aussi qui vivons et qui mourons loin d’elle,
Loin de la douce fée aux cheveux de genêt,
Que notre cœur au moins lui demeure fidèle,
Renaissons avec elle à l’heure où tout renaît.

Ô printemps de Bretagne, enchantement du monde !
Sourire virginal de la terre et des eaux !
C’est comme un miel épars dans la lumière blonde :
Viviane éveillée a repris ses fuseaux.

File, file l’argent des aubes aprilines !
File pour les landiers ta quenouille d’or fin !