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BRETAGNE

Les vents sont plus doux ; la brume a fondu ;
Partez, ô marins, sur vos goélettes.

« Vos femmes ici prieront à genoux.
Elles vous seront constamment fidèles.
Nous voudrions bien partir avec vous,
S’il ne valait mieux rester auprès d’elles.

« Nous leur parlerons de votre retour ;
Nous dirons les gains d’une pêche heureuse,
Et comment la nuit, et comment le jour,
Comment votre cœur bat sous la vareuse.

« Et nous les ferons renaître à l’espoir.
Tandis que, les yeux tournés vers le pôle,
Elles s’en viendront, au tomber du soir,
Pleurer deux à deux sur les bancs du môle.


LA COMPLAINTE DE L’ÂME BRETONNE[1]


Sur la lande et dans les taillis,
Cueillez l’ajonc et la bruyère,
Doux compagnons à l’âme fière,
Ô jeunes gens de mon pays !

Quand, du sein de la mer profonde,
Comme un alcyon dans son nid,
L’Âme Bretonne vint au monde
Dans son dur berceau de granit,
C’était un soir, un soir d’automne,
Sous un ciel bas, cerclé de fer,
Et sur la pauvre Âme Bretonne
Pleurait le soir, chantait la mer.

Fut-ce mégarde chez les fées
Ou qu’au baptême on ne pria,
Blanches et de rayons coiffées,
Urgande ni Titanin ?
Il n’en vint, dit-on, qu’une seule.
Aux airs bourrus de sauvageon.
Qui froissait dans ses mains d’aïeule
Des fleurs de bruyère et d’ajonc.

  1. Vers écrits pour la Fête de charité des élèves du lycée de Brest.