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LES POÈTES DU TERROIR

Poètes, au Correspondant, à la Revue bleue, aux Annales politiques et littéraires, à Femina, à la Vie Heureuse, etc.

Bibliographie. — A. Le Braz, Les Rêves qui passent : Dépèche de Brest, 9 février 1900. — L. Tiercelin, Celles qui attendent ; Le Nouvelliste de Bretagne, 6 juin 1907.


QUÉLERN


Quand pourrai-je sentir encore la douceur
De l’horizon noué ainsi qu’une ceinture,
Va tout l’aérien modelé des vapeurs
Ouatant de bleu profond ses creuses découpures ?

Quand pourrai-je allonger, comme un rai de soleil,
Mon cœur rasséréné sur la moelleuse baie,
Ou, d’un geste enfantin, secouer dans la haie
Les fuchsias tout en fleurs, à des grelots pareils ?

La mer, en sertissant le caprice des îles,
Mire entre leurs contours un ciel multiplié,
Et l’Arrhez, par delà les collines fertiles,
Sculpte ses degrés bleus, l’un sur l’autre appuyés.

Malgré qu’entre le monde et mes yeux, une image
Interpose le trouble obstiné dans mon cœur.
Ta grâce m’enveloppe, ô souple paysage
Dont la forme se rythme au chant de la couleur !

Mais j’ai fermé les mains dans l’oubli des caresses.
Les dalles du silence ont pesé sur mon cœur.
Je ne retrouve plus les feuillages que tresse
L’adieu reconnaissant de l’heureux voyageur.

Puisse quelque passant au visage de gloire.
Assez beau pour qu’on l’aime, assez jeune pour croire,
T’apportant son bonheur, te confondre avec lui,
Tandis qu’à l’horizon ma petite ombre noire
Ira, diminuant, du côté de la nuit.

(Celles qui attendent.)