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LES POÈTES DU TERROIR

Aussi feriez-vous, je croy,
Se vous estiez comme moy[1].

Ce ne sont d’ailleurs point les seuls accents sur lesquels il accorda sa lyre nostalgique : il en est d’autres dans Regnault et Jehanneton ou les Amours du bergier et de la bergeronne, qu’il nota pour se remémorer son union avec Jeanne de Laval, sa première épouse. René d’Anjou n’est peut-être pas un écrivain local, au sens actuel du mot, mais il eut le rare mérite d’exprimer le génie de sa race bien longtemps avant qu’on ne se préoccupât de situer les monuments de l’art septentrional. Quand Joachim du Bellay vit le jour en son village de Lire, l’unité française était établie. Aussi, en exhalant le regret du pays natal, dans un sonnet qui est devenu en quelque sorte le thème initial de toute poésie « régionaliste », ce dernier ne fit qu’exploiter un sentiment fort répandu dans nos provinces. Colin Bûcher, citoyen d’Angers, élève de Clément Marot, avait à son tour célébré le terroir, et Bourdigné avait mis en honneur les plaisantes farces du légendaire « escolier » Pierre Faifeu. On peut dire que toute la poésie angevine découle de ses sources et les reflète aussi fidèlement que le beau et capricieux fleuve de Loire réfléchit en ses ondes fuyantes les châteaux édifiés sur ses bords. Le xixe siècle n’a point failli à cette règle, mais il a cherché des motifs d’inspiration ailleurs que sur son sol. Il n’a célébré le pays qu’avec la voix du souvenir.

Peu de poètes méritent d’être cités en dehors de ceux que nous avons choisis. Nous signalerons néanmoins, au xvie siècle, Bretonnayau et Jacques de la Fons. Le romantisme nous fournit le nom suranné de Julien Dallières (1812-1896), lauguissant dramaturge et versificateur médiocre ; enfln, après M. René Bazin, évocateur de la terre et conteur lyrique, nous ne saurions passer sous silence F.-E. Adam (1883-1900), Henry Cormeau[2], Eugène Roussel, Maurice Couallier et ces gentils rimeurs pleins de promesses, Guillaume Carantec et Charles Berjolle, auxquels nous devons déjà quelques pages d’une vivante originalité.

Le pays d’Anjou n’a pas d’idiome particulier ; le peuple y parle, ainsi qu’en diverses contrées de l’Île-de-France et des

  1. Œuvres complètes du roi René, avec une biogr.  et des notices par M. le comte de Quatrebarbes, et un grand nombre de dessins et ornements, d’après les tableaux et mss orig.par Al. A. Hawke ; Angers, imprim. Cosnier et Lachèsc, 1845, 4 4 vol. in-4o.
  2. Ce poète que, seules, les exigences de notre format nous ont obligé à sacrifier, appartient à l’Anjou tout a la fois par ses origines, par sa naissance et par la qualité de son talent. Il vit le jour à Beaupréau, où son père exerçait la profession de coutelier, le 21 janvier 1866. Successivement journaliste, imprimeur et juge de paix, il a fait paraître à petit nombre divers ouvrages. On lui doit un recueil, Le Temps d’aimer, d’un lyrisme délicat et nuancé.