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ANJOU

Nul ne l’orra qui de bon cueur ne rye.
Voyant qu’il n’a dont payer son escot,
Sans le conseil de Bede ou de Lescot,
Il s’advisa marchant se contrefaire
De gras pourceaulx, et, pour mieulx son cas faire,
Quant arriva, à l’hostesse il a dit
Que bien soubdain, sans aucun contredit,
On espandist force bled ou aveine
Emmy la cour, pour pourceaulx qu’on ameine
Bien ung millier, dont il se dit marchant.
Ce qui fut fait, mais ne fut si meschant
Que cependant n’ayt bien sa repeuë prinse,
Et son cheval ; puis, sans autre reprinse,
Quant eut disné, semble luy ennuyer
Qu’ilz ne venoient : donc pour desennuyer,
Il fist semblant vouloir aller encontre
Sur son cheval, que soubdain il rencontre
Enharnasché, car nully ne doubtoit
Que fust Faifeu, mais pour vray ce l’estoit.
Qui s’en alla sans payer sa despense,
Car pas n’avoit le denier ; mais je pense,
S’il en eust eu, voulentiers eust poyé :
Quant en avoit, tout estoit desployé.
L’hoste s’attend avoir des pourceaulx houstes.
Mais les avoir fust encore aux escouttes,
Et si fallut tout son bled reserrer
Le lendemain, dont en eust d’enserrer.
Ainsi Faifeu leur monstra de ses gestes.
Esprit subtil à besoing vault Digeste.

(La Légende de Pierre Faifeu