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LES POÈTES DU TERROIR

LA HALTE AU MARAIS
Triste comme l’attente

Quand on n’espère plus.

Madame Tastu.

J’ai perdu la mente et la chasse.
Je jette ma voix dans l’espace…
Nul ne répond… j’appelle en vain !
Je vais attendre sous les aulnes,
Près de ces joncs pliants et jaunes,
Mon fusil couché sous ma main.

Après les stériles fougères,
Après les arides bruyères,
Après l’épaisseur des forêts,
Quand un air frais vient me surprendre,
Sous mes yeux j’aime à voir s’étendre
Le morne aspect d’un grand marais.

J’aime ces herbes qui s’enlacent,
Et ces roseaux qui s’embarrassent,
Courbés sous le poids d’un oiseau ;
Et ces débris tachés de rouille,
Où saute la verte grenouille,
Dont chaque bond s’entend dans l’eau…

Souvent alors mon front se penche,
Docile au vent, comme la branche
Du saule qui frémit là-bas ;
Et, las des plaisirs éphémères,
Je rêve de douces chimères
Que l’avenir ne verra pas.

Là, nul bruit ne vient me distraire ;
Mélancolique et solitaire,
Je me hâte de sommeiller ;
Là, je peux rêver tout mon rêve,
Sans craindre qu’avant qu’il s’achève
La raison vienne m’éveiller.

Là, quand je relève ma tête.
Que j’entends siffler la tempête