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LES POÈTES DU TERROIR

LES COIFFES ANGEVINES
À André Theuriet.


O fillettes d’Anjou, que j’aime vos bonnets,
Papillons de dentelle, aux larges ailes blanches,
Qui, volant à l’appel des cloches, les dimanches,
Ont l’air, par les chemins, de butiner aux branches
L’or bruni des ajoncs et l’or clair des genêts !

Si noirs sont vos cheveux sous la neige des ailes !
Si veloutés, vos cils ! Et vos regards, si doux !
Votre bouche y rougit ainsi qu’un fruit de houx,
Votre joue y paraît fraîche à rendre jaloux
Les boutons d’églantier fleurissant nos venelles.

Comme d’un vin exquis se délecte un buveur,
L’artiste, en vous voyant, de vos grâces s’enivre ;
Le vieux viveur blasé, dont le cœur est de givre,
Quand vous apparaissez, de nouveau se sent vivre,
Et l’éphèbe, troublé, vous suit des yeux, rêveur…

C’est qu’en leurs plis gaufrés vos mignonnes coiffures,
Alvéoles d’amours, tiennent toujours cachés
De malins petits dieux, adorables archers,
Dont les traits, sur nos cœurs savamment décochés,
Invisibles, nous font de divines blessures.

Oh ! méprisez la mode, et gardez vos bonnets,
Papillons de dentelle, aux larges ailes blanches,
Qui, volant à l’appel des cloches, les dimanches,
Ont l’air, par les chemins, de butiner aux branches
L’or bruni des ajoncs et l’or clair des genêts.

(Les Coiffes angevines.)