Page:Van Hasselt - Nouvelles Poésies, 1857.djvu/12

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hasards de la publicité. Et peut-être serait-il en droit d’appliquer quelques tons plus noirs au tableau qu’il traçait alors des conditions déplorables qui sont faites à toute œuvre conçue en dehors des passions courantes et des divisions intestines auxquelles nous sommes si fatalement livrés. Peut-être aussi pourrait-il y ajouter quelques mots concernant l’influence délétère qu’exercent sur l’art d’écrire les jurys auxquels sont périodiquement confiés les intérêts de notre littérature, et qui doivent nécessairement, en plus d’une circonstance, faire fléchir ces intérêts sous des intérêts de personne ou de parti, outre que, par la majorité des membres dont ils se composent, ils sont radicalement incapables de juger une question d’art ou de forme littéraire. Mais à quoi bon ?

D’ailleurs, quand le trouble est dans les cœurs et dans les esprits ; quand la foule est en proie à des agitations de toute nature ; quand, pour deux hommes qui songent à se faire du lendemain une éponge pour laver les fautes de la veille, il en est quatre qui ne pensent qu’à s’en faire un balai pour pousser dans la rue les bonnes actions dont leur passé pourrait se faire honneur ; quand le sens moral diminue à mesure que les mauvais instincts se développent ; quand chacun dévore, comme un prodigue, l’austère capital de vertu que les ancêtres ont formé ; en un mot, quand la voix de la raison elle-même ne trouve plus à se faire entendre au milieu du tumulte des partis, — que voulez-vous que le poëte aille chercher dans cette cohue fiévreuse et désordonnée, en supposant que l’auteur de ce livre ait le moindre titre à la qualification suprême de poëte ?