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langue sacrée de nations. On se doute bien que là ne convergent pas nos efforts.[1]

Autre guitare. Je devais rencontrer des mécontents dans le camp des verlibristes. M. Gustave Kahn, notamment, le porte-parole et le grand-prêtre de cette tentative prosodique, en présentant, d’ailleurs avec sympathie dans la Revue blanche, les œuvres parues de notre Collection, a dit que « mon opinion sur ce point avait peu d’importance. » — Hé ! hé ! un peu plus que cela ! Les événements l’ont démontré. M. Gustave Kahn, lui, ne m’indiffère pas, d’abord parce qu’il a un réel talent, ensuite parce que je suis navré de le voir dépenser des dons rares dans des essais amorphes. Certes, je puis bien lui être indi lièrent. Ma personnalité pèse légèrement dans l’espèce. Mais l’entreprise littéraire que je dirige ne peut le laisser insensible. Son action vaut quelque chose, puisqu’elle a eu pour résultat primordial démettre une digue à l’invasion des Barbares de lettres, qui menaçait à ses débuts la Collection les français de l’Étranger. Hélas ! beaucoup de ces Attilas poétiques ne viennent pas seulement du dehors, il en est de nombreux qui sont de chez nous, et chez nous ces derniers tentent d’agir par exosmose, tandis que les premiers procèdent par endosmose. Double péril contre lequel il faut lutter.

En effet, les initiateurs et principaux propagateurs du vers libre (oh combien !) — je n’ai pas besoin de citer leurs noms qui sont sur toutes les lèvres — par leur atavisme, leur nais-

  1. Ni ceux des premiers auteurs de notre Collection. Voici à ce sujet l’avis motivé de l’un d eux, et pas le moindre : « Nous avons, M. Edmond Picard et mes amis, nos raisons respectives pour préférer le titre qui a été adopté. « Poètes français de l’étranger » signifie que nous voulons être des poètes français dans notre langage, bien que nous habitions l’étranger. « Poètes belges d’expression française. » (c’est déjà une expression très peu française), signifie que certains veulent être et rester belges dans leur parler. Hélas ! ils y réussissent trop bien ! Ils entendent légitimer par là le tour septentrional — c’est-à-dire à l’égard de Paris, le tour provincial, de leurs phrases, leurs barbarismes et leurs fautes de français. Puisque tout cela est belge, les « poètes belges » ont le droit et le devoir même, de farcir de ces énormités la langue française dont ils daignent se servir, alors que la langue flamande leur conviendrait si bien. Vous voyez qu’entre les deux expressions, il y a autre chose qu’une nuance : une différence profonde. À aucun prix, je ne veux être affublé de l’étiquette choisie par M. Edmond Picard et ses amis. »   Lettre de M. Iwan Gilkin.