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pensée, précise clairement le but auquel nous tendons. Il répond exactement de plus aux desiderata des premiers auteurs qui se sont groupés autour de nous, et qui ont inaugure si brillamment nos débuts. D’ailleurs, « il va de soi qu’un écrivain appartient à la culture dont il emploie la langue, n’importe sa nationalité : il n’est jamais venu à l’esprit de personne de ranger J. J. Rousseau, dans la littérature suisse, ni Hamilton dans la littérature anglaise, ni Moréas dans la littérature grecque, ni Stuart Merril dans la littérature américaine. Ce sont des littérateurs français puisqu’ils ont emplove le Verbe français. »[1] Il y a une différence notable, entre les deux définitions, celle de M. Edmond Picard, et la nôtre, d’autant plus qu’il est indispensable que tous ces écrivains soient rattaches à leur mère-patrie intellectuelle, maîtresse, directrice, inspiratrice et éducatrice de sa langue.

Nous ne prétendons pas toutefois (loin de là), que tous ces écrivains doivent faire abstraction de leur tempérament physiologique, de leur race, de leur ambiance artistique, morale, politique, physique et sociale. Dans des études éloquentes publiées dans la Patrie[2], de Bruges, M. Gustave Fevtmans a jeté ce cri d’alarme à ses compatriotes : « qu’en les précipitant sur la France et Paris, nous leur faisions courir ce danger de perdre leur caractère autochtone, leur originalité, leur individualité et leur puissance de création » C’est tout le contraire que nous souhaitons. Chacun doit conserver son âme patriale, selon le néologisme adroit, mis en circulation par M. Edmond Picard lui-même, tout en maniant avec le plus de pureté possible l’instrument de son choix. La langue française en devenant l’outil de la pensée allemande, anglaise, belge, espagnole, italienne, russe, etc., ne doit pas être faussée. Agir selon M. Edmond Picard et ses adeptes nous ci induirait à l’altération de la langue française, laquelle tendrait alors à devenir un charabia universel, au lieu de rester la

  1. Louis Dumont-Wilden : Les lettres belges et la culture française, in Grande Revue du 1er septembre 1901.
  2. En août et septembre 1900.