Page:Van Hasselt - Poésies choisies, 1901.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il est plus haut le but où sa grande aile aspire ;
Car l'âme est son domaine et le cœur son empire.
Sans captiver l'oreille et les yeux seulement,
Il faut que l'art aussi soit un enseignement.
C'est là qu'est sa puissance et sa force virile ;
Et, s'il ne veut rester une langue stérile,
S'il ne veut, déposant son titre souverain,
Devenir le flatteur des passions sans frein,
Faire mentir le chant, la toile et la statue,
Couleurs qu'on avilit, marbre qu'on prostitue,
Et poésie, oiseau divin, qu'on fait déchoir
Du pic où niche l'aigle aux branches d'un perchoir, —
Il faut qu'il fasse entendre aux foules amassées
La langée des grands cœurs et des mâles pensées,
Qu'il les éclaire, ayant le jour sur son flambeau,
Qu'il les instruise, étant l'idiome du beau,
Qu'il les élève puisqu'il a des ailes faites
Pour planer dans l'azur, coupole des hauts faites.

O mes frères, voilà le rôle dévolu
A ceux qui, comme vous, dans leur siècle ayant lu,
Se trouvent à l'étroit parmi ce qui respire,
Mais que l'art généreux de son grand souffle inspire,
Et qui, prédestinés du ciel, sentent qu'ainsi
Que les prêtres, ils ont charge d'âmes aussi.

Puis d'ailleurs à quel temps fallut-il, comme au nôtre,
La larme du prophète ou la voix de l'apôtre ?

Quand, sur notre horizon de plus en plus obscur,
Le ciel à peine garde un dernier coin d'azur ;
Quand les cœurs les plus forts ont perdu leur vaillance ;