simple des éléments qu’il a recueillis multiples et sans aucune cohésion entre eux, il ne sait plus, il s’effare et se fourvoie. Malgré cela, ses romans ne manquent pas de mérite bien que l’on y découvre des trous et que le procédé y tienne trop de place ; ce qui les sauve, c’est que le souffle d’un poète y court de page en page et que les qualités de psychologue, qui distinguent l’auteur, y sont servies par une plume si personnelle, si alerte et d’une telle grâce que le lecteur oublie vite la ténuité de la trame, la pauvreté des combinaisons, pour se laisser entraîner et conquérir par l’exactitude des portraits et par cette magie souveraine de la forme qui réussit à faire paraître éblouissante si peu de matière que ce soit.
C’est ce que Jean Dovey déplore, car il connaît ses faiblesses et il se juge : la continuité de son succès le désespère et il s’en explique l’inconséquence. Son ambition va bien au delà !
Dès ses débuts, débuts heureux et que le public saluait d’un applaudissement plein de promesses, il a rêvé d’œuvres fortes, d’un bel élan génial d’où sortirait le maître livre appelé à rendre son nom impérissable ; mais, tout d’abord, le souci du pain quotidien, la responsabilité d’un ménage qu’il fallait faire vivre l’ont attaché, quoi qu’il en eût, aux travaux où la valeur marchande prime la valeur artistique et, assuré de la réussite financière, longtemps il a exploité la même veine généreuse, longtemps il s’est astreint à bâcler des romans faciles, sur le modèle des premiers.
Ils lui ont fait une réputation, et, maintenant, tranquille sur son sort et sur l’avenir des siens, il songe à sa gloire, il n’a plus que cet objectif : produire enfin l’œuvre qui le hante depuis des années, donner une réalité à sa chimère, voir l’oiseau bleu prendre corps et se mouvoir à travers l’empyrée où il n’a jamais eu le loisir de le distinguer autrement que confus et mal dégrossi, et très loin, très loin dans une vapeur de rêve.
Pour cela, il a déserté le grand mouvement fiévreux de ses relations ordinaires, il s’est retiré au fond d’un faubourg confinant à la campagne, dans un noble domaine point trop monotone ; pour cela, il s’est établi en cette merveilleuse demeuré où tout le raffinement du luxe moderne s’allie à tout le bon goût des artisans d’autrefois. Il y attend depuis dix-huit mois l’inspiration.