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produits des forêts domaniales du Kasaï pendant le même laps de temps[1].

À peine la nouvelle Compagnie était-elle constituée que, forte de son monopole de fait, elle donnait pour instructions à ses agents de réduire les prix payés aux indigènes sous le régime de la concurrence, et ne plus leur donner que 50 centimes, 1 franc au maximum par kilogramme de caoutchouc.

Mais, dès l’instant où l’on diminuait ainsi l’intérêt des récolteurs à faire un travail que l’éloignement des lianes exploitables rendait de plus en plus pénible, il devenait nécessaire de suppléer, par une certaine contrainte, au déficit de la rémunération.

Aussi, les indigènes et les missionnaires protestants établis à Luebo et à Ibanje ne tardèrent pas à accuser la Compagnie de recourir, directement ou indirectement, au travail forcé, et, en 1905, la Commission d’enquête résuma, de la manière suivante, les témoignages qu’elle avait reçus à ce sujet :

Dans la plus grande partie du bassin du Kasaï…, les nombreuses sociétés qui s’y étaient installées, se sont syndiquées, supprimant ainsi la concurrence, et ont formé la Compagnie du Kasaï (C. K.). Celle-ci, qui a été réorganisée sur la base d’une société congolaise, n’a néanmoins pas reçu de concession proprement dite, comme l’Abir ou la Société Anversoise. Ses représentants n’ont pas davantage été commissionnés pour lever l’impôt. Elle ne peut donc récolter le caoutchouc et les autres produits de la forêt qu’en traitant directement avec l’indigène.

Mais si, en droit, l’indigène est entièrement libre de récolter ou de ne pas récolter, de vendre ou de ne pas vendre de caoutchouc, en fait il se trouve, tout au moins dans le bassin du Sankuru, indirectement contraint de se livrer a la récolte de ce produit. En effet, il est assujetti à l’impôt vis-a-vis de l’État. Or, cet impôt doit être payé dans la monnaie locale appelée croisette ; et cette monnaie, le noir ne peut se la procurer que chez les factoriens, qui lui réclament du caoutchouc en échange.

Indépendamment de cette contrainte, on nous signale différents abus auxquels donne lieu le système. La quantité de caoutchouc

  1. On trouvera les statuts de la C. K. dans les Documents parlementaires de la Chambre des Représentants, 1907-1908, p. 416.