Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/107

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semble avoir porté un jugement très équitable lorsque, après avoir détaillé ses reproches, et signalé les réformes nécessaires, elle a rendu hommage à l’œuvre accomplie — œuvre magnifique — qui avait délivré le noir de la traite, qui le sauvait du cannibalisme et du fléau de l’alcool, qui aidait à lutter contre la terrible maladie du sommeil et qui le mettait en communication avec une civilisation plus élevée.

Il y a beaucoup de choses très discutables dans cette série d’affirmations.

Certes, quand l’histoire jugera le Souverain de l’État du Congo avec le recul nécessaire, elle fera la part du bien et du mal : et le jour où la Belgique aura fait table rase du travail forcé et du système de servage établi en 1892, il restera, en définitive, cette très grande chose que, roi constitutionnel d’un petit pays, qui lui marchanda longtemps son concours, Léopold II sut, par son initiative, sa volonté tenace, sa diplomatie sagace, créer ex nihilo, l’un des plus vastes empires coloniaux des temps modernes.

Mais que, tout bien pesé, et malgré l’évidence des fautes commises, les indigènes du Congo aient eu à se féliciter de la création de l’État Indépendant, c’est, pour le moins, une question, et une question très complexe, à laquelle on ne peut se contenter de répondre par quelques phrases grandiloquentes sur l’abolition de la traite, le refoulement du cannibalisme, la prohibition de l’alcool ou les bienfaits de la civilisation.

La traite a été abolie : c’est en grande partie vrai, bien que des marchands d’hommes, venant de l’Angola, la pratiquent encore dans le Haut Kasaï ; mais, si les Congolais ne connaissent plus les horreurs de la traite, ils ont subi pendant quinze ans les atrocités du « caoutchouc rouge », et nous n’oserions pas jurer qu’à certains moments, les Belges ne leur aient pas fait regretter les Arabes.

Le cannibalisme a été refoulé et ne se pratique plus ouvertement ; le fléau de l’alcool a reculé dans le Bas Congo, et l’État Indépendant a appliqué, plus rigoureusement qu’on ne l’a fait dans d’autres colonies, les actes internationaux qui