Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/108

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défendent d’importer des boissons alcooliques dans le bassin du haut fleuve[1] ; nul plus que nous ne s’en félicite ; mais, en revanche, les indigènes ont appris à connaître la prostitution, la syphilis — introduite par les Européens, d’un côté, par les Arabes, de l’autre — et, surtout, cette effrayante maladie du sommeil, localisée jadis dans quelques parties du Bas Congo, et dont la propagation dans tout le pays, le long des routes et des rivières, a été le résultat de l’occupation européenne et du développement des transports.

M. Van den Heuvel, il est vrai, fait un mérite à l’État d’avoir aidé les populations à se défendre contre le mal. Que n’a-t-il pu voir les installations misérables des lazarets ou, brutalement et presque toujours inutilement, on interne les infortunés qui en sont atteints ?

Quant au fait d’« avoir été mis en communication avec une civilisation plus élevée », c’est précisément un des problèmes les plus angoissants de la colonisation moderne, même quand elle adopte les méthodes les plus libérales et les plus humaines que de savoir si c’est un bien ou un mal pour des indigènes que d’être mis en contact avec une civilisation plus élevée.

Si on les consultait à ce sujet, nul doute que la plupart d’entre eux ne répondent négativement.

Lorsque Harry Johnston visitait le Haut Congo, en 1883, les noirs lui disaient :

« Laissez-nous tranquilles. Nos coutumes peuvent vous paraître mauvaises, mais laissez-nous tranquilles. Restez dans votre pays, comme nous restons dans le nôtre[2]. »

Ce n’est certes pas le régime Léopoldien qui les a fait changer d’avis.

J’entends encore, dans la Mongala, les chefs Budjas qui nous disaient, avec une sympathique franchise :

  1. On me signale que, notamment dans le Kasaï, beaucoup d’Européens introduisent, en contrebande, de l’absinthe.
  2. Sir Harry Johnston. Grenfell, I. p. 174.