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« Le caoutchouc est fini. Vous n’avez donc plus rien à faire ici. N’allez-vous pas vous en aller, maintenant ? »

Dans le Mouvement des Missions catholiques an Congo, de septembre 1909, le P. Pollé, missionnaire de Scheut, rapporte en ces termes une conversation qu’il avait eue, récemment, avec un vieux chef, celui de Sabuka, près de Nsona Mbata, dans le district des Cataractes :

— Chef Gamala, je viens vous parler des choses de Dieu.

— Je les connais vos choses de Dieu.

— Jadis vos hommes priaient, vos enfants suivaient le catéchisme ; vous avez tout abandonné. N’allez-vous pas recommencer votre bonne vie d’autrefois ?

— J’ai fui, avec mon village, votre catéchiste. Je ne veux plus de vous.

— Pourquoi donc ?

— Parce que vous êtes mauvais, mauvais !

— C’est la première fois que vous me voyez. Comment savez-vous que je suis mauvais !

— Vous êtes blanc et tous les blancs sont mauvais. Je ne veux pas entendre leurs paroles. Mes hommes non plus ne veulent pas d’eux. »

Et, comme je demandais la raison de ces dispositions hostiles, le vieux chef se leva du tronc d’arbre qui lui servait de chaise et déclama à peu près ceci :

« Voyez, blanc, jadis j’étais puissant. J’avais beaucoup de villages, beaucoup d’hommes. Les blancs sont venus. Ils ont apporté la maladie du sommeil ; mes hommes sont morts, mes villages sont morts. Vous demandez des enfants pour les faire prier, et il n’y a plus d’enfants. Les voici ! Les voici ! »

Et Gamala circulait, en indiquant des tombes, comme semées dans son village.

Le P. Pollé ajoute, il est vrai, que Gamala mentait, car plusieurs enfants venaient de s’enfuir dans la brousse.

Mais le témoignage d’hostilité reste, et il ne serait que trop facile de citer bien d’autres exemples du même sentiment.