Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/115

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Je me suis permis de publier ce témoignage, d’une sincérité si primesautière, parce que la personnalité dont il émane lui donne une valeur spéciale.

Mais il ne faut pas oublier que ma correspondante a résidé dans une partie du Congo où la contrainte légale n’a jamais existé ; que depuis la reprise, et aussi depuis le rapport du consul Thesiger et le procès Sheppard, la situation s’y est beaucoup améliorée, et que ce serait tomber d’un excès dans l’autre que de sous-évaluer les faits, trop réels, d’oppression brutale et avide, qui ont, à juste titre, révolté l’opinion du monde entier.

Un fait, d’ailleurs, plus que tout autre, suffit à montrer que le régime Léopoldien a eu pour les indigènes des conséquences funestes : c’est la décroissance de population que l’on constate dans la plupart des régions du Congo.

M. A. Delcommune, qui a visité le Mayombe vers 1880, nous disait que, trente ans plus tard, il avait été douloureusement frappé de voir combien le nombre des villages avait diminué.

Lorsque Stanley remonta le Congo en 1883, il signala des agglomérations énormes du côté d’Iboko (Ban’gala) et d’Irebu[1],

Voici, par exemple, ce qu’il dit d’Irebu :

Cette grande ville ou agglomération de villages construits si près les uns des autres que l’étranger ne peut les distinguer, occupe la rive gauche du Congo et la rive gauche du Loukanga, couvrant une distance de huit kilomètres sur le bord de l’eau et de trois kilomètres et demi à l’intérieur. La population peut être évaluée à 15.000 âmes, et même à 30.000, si l’on additionne les habitants de la ville proprement dite et ceux des villages suburbains, car Irebu a des faubourgs.

Aujourd’hui, il n’existe plus dans cette région que des villages clairsemés loin de la rive, et jusqu’à Nouvelle-Anvers, on remonte le fleuve, pendant cinq jours, sans rencontrer, pour ainsi dire, âme qui vive, en dehors des missions ou des postes de l’État.

  1. Cinq années au Congo, pp. 391 et 415.