Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/128

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Ce n’étaient là, évidemment, que des boutades, mais caractéristiques d’un état d’âme.

Elles aident à comprendre pourquoi, sur une série de points essentiels, les idées que Léopold II professait, et qu’il professa toute sa vie, étaient à l’antipode non seulement des conceptions démocratiques, mais de la moyenne des opinions bourgeoises.

Ce fut le cas, par exemple, de ses idées sur le droit de succession, sur la politique coloniale et sur le rôle de la royauté.

En matière successorale, tandis que la bourgeoisie belge, très attachée au Code civil, était d’avis que la famille royale devait être soumise au droit commun — égalité des partages et réserve des enfants —, Léopold II était foncièrement imbu de cette conception dynastique, qu’à défaut de descendants mâles, la plus grande partie de sa fortune devait être affectée à des destinations publiques, destinées pour la plupart à rehausser l’éclat du trône, et que, par conséquent, ses filles, les princesses royales, devaient être réduites, sinon à la dot et au trousseau, du moins à des parts héréditaires très inférieures à ce que le Code leur réservait.

En matière coloniale, tandis que l’opinion courante est, aujourd’hui, que les revenus des colonies doivent être dépensés dans l’intérêt des colonies, pour assurer leur développement, Léopold II — nous l’avons vu — avait encore cette idée dominante au xviiie siècle, que les colonies, et spécialement sa colonie, pouvaient être considérées comme des propriétés de rapport, devant servir à l’enrichissement de la métropole.

Quant au rôle de la royauté, tandis que les hommes politiques belges étaient, pour la plupart, très attachés à la maxime « le roi règne, mais ne gouverne pas », Léopold II pensait, au contraire, que le roi devait être le chef naturel des classes dirigeantes, et subissait, avec une impatience qui alla toujours croissant, le contrôle parlementaire, surtout dans le domaine qui lui tenait le plus à cœur : l’exécution d’immenses travaux publics, dont certains contribuèrent réellement à embellir sa