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pu les pousser au travail. La nature les pourvoit d’une nourriture suffisante, en ne leur demandant presque pas de peines.

— En travaillant un mois sur dix, nous assurons notre alimentation, — nous disait l’un d’eux.

L’homme cueille les fruits du palmier ou du bananier, pagaye, pêche, pérore et fait la guerre. La femme s’occupe du ménage, cultive les champs, cherche le bois et l’eau, confectionne les nattes, la poterie et les paniers. Quelques hommes, peu nombreux, exercent des métiers : les uns ont la spécialité du fer ; d’autres fabriquent des boucliers ; enfin, surtout dans le Rouki, certains creusent des pirogues[1]. »

Aujourd’hui la plupart de ces villages ont disparu. Les rives du fleuve, de Léopoldville à Nouvelle-Anvers, sont presque désertes. Les habitants, pour échapper à l’impôt en travail, se sont enfuis vers l’intérieur, se sont réfugiés dans les îles, ou bien encore ont été décimés par la maladie du sommeil, que leur ont apportée les Européens[2].

Mais, s’il n’est malheureusement pas douteux que, dans cette région, comme dans beaucoup d’autres, l’influence de l’État Indépendant ait été désastreuse, ce serait une grave erreur de se représenter le Congo, avant Léopold II. comme une sorte de paradis sur terre.

Dans son beau livre sur Grenfell, sir Harry Johnston fait observer, d’abord, qu’indépendamment des guerres continuelles, de tribu à tribu, pour se procurer des femmes ou des esclaves, la vie humaine était constamment menacée, même en temps de paix, par des pratiques que l’occupation européenne a, sinon fait disparaître, du moins refoulées et contraintes à se dissimuler[3].

Lorsqu’un personnage important venait à mourir, on sacrifiait des femmes et des esclaves, pour ne pas le laisser aller seul dans l’autre monde.

Quand un individu était accusé de sorcellerie, on le sou-

  1. Coquilhat. Le Haut Congo, p. 148.
  2. Cf. Vandervelde. Les derniers jours de l’État du Congo, pp. 109 et 110.
  3. Sir Harry Johnston. George Grenfell and the Congo, I, chap. xvi, pp. 384 et suiv. London, 1908.