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mettait à l’épreuve du poison, de la casca, qui entraînait la mort, si la victime ne payait pas très cher le vomitif qui pouvait la sauver.

Enfin, la pratique du cannibalisme était répandue dans tout le bassin du Congo, sauf la région du bas fleuve.

Grenfell, par exemple, rapporte que, fréquemment de 1884 à 1890, les natifs du Haut le priaient de leur vendre quelques-uns des Loangos ou des Kruboys qui se trouvaient à bord de son steamer, disant que, venant des rives de la grande eau salée, ils devaient être very sweet ; et comme Grenfell protestait, ces cannibales d’ajouter : « Vous mangez des poules et des chèvres, et nous des hommes. Où est la différence[1] ? »

Le fils de Mata Bwiké, le célèbre chef Ba Ngala de Liboko, à qui l’on demandait s’il avait jamais mangé de la chair humaine, répondait : « Ah ! je voudrais manger le monde entier[2] ! »

Mais il semble que ce soit dans l’Oubangi que l’anthropophagie ait pris le plus grand développement. D’après un rapport de missionnaires baptistes, inséré dans le livre de Bentley, Pioneering on the Congo, il y avait dans cette région une demande de chair humaine plus grande que les marchés locaux ne pouvaient en fournir. Les indigènes, en général, ne mangeaient pas les gens de leurs villages, ou des villages avec lesquels ils étaient apparentés, mais ils se procuraient et engraissaient des esclaves pour la boucherie, exactement comme nous faisons pour les poulets et le bétail. Il y avait un trafic constant d’esclaves dans ce but, entre la Lulonga et l’Oubangi. Les gens de la Lulonga faisaient des raids à cet effet dans la haute rivière ou dans les villages de l’intérieur. Ils surprenaient les indigènes qui n’étaient point sur leurs gardes, en tuaient un grand nombre et emmenaient le reste. Puis ils se partageaient leur butin humain, le gardant dans

  1. Johnston, loc. cit., I. p. 399.
  2. W. Holman Bentley. Pioneering on the Congo, II, p. 210. Londres, 1900.