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§ 1. — Les tentatives de justification du travail forcé.


Pour justifier les divers systèmes de travail forcé qui existent en Afrique, les uns se placent exclusivement au point de vue de l’intérêt des Européens ; d’autres invoquent l’intérêt des indigènes.

À entendre les premiers, toute mise en valeur de l’Afrique serait impossible sans le secours de la contrainte et, puisque les nègres ne veulent pas travailler, ou, du moins, ne veulent pas travailler pour autrui, il faut bien, si l’on veut construire des chemins de fer, organiser le portage, mettre le sol en valeur, employer des moyens comme la corvée ou l’impôt en travail.

Cette argumentation simpliste trouve naturellement accueil chez ceux qui ont un intérêt direct à l’exploitation des indigènes.

Ainsi que le fait observer Leroy-Beaulieu, « chez les trois quarts de ces Européens, hommes rudes, âpres à la besogne et au gain, qui sont venus aux colonies et ne veulent pas perdre leur temps et user inutilement leur santé sous un climat dangereux, il couve une âme de négrier ; on n’a pas besoin de gratter longtemps pour la trouver »[1].

Mais, pour être juste, il faut reconnaître que, parmi les avocats du travail forcé, il est des hommes dont on ne peut suspecter le désintéressement, ni contester l’expérience des choses coloniales, et qui, tout en réprouvant énergiquement les abus que le travail forcé trop souvent occasionne, estiment cependant que la contrainte est nécessaire, si l’on veut empêcher que les noirs ne continuent à vivre dans l’ignorance, la misère et la fainéantise.

C’est le cas, par exemple, de Mgr Augouard, évêque du Congo français, qui, dans l’ouvrage intitulé : Vingt-huit années au Congo s’exprime en ces termes[2] :

  1. Leroy-Beaulieu, De la colonisation chez les peuples modernes, 5e édit. II, p. 609. (F. Alcan.)
  2. Tome II, p. 376.