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contre le nettoyage obligatoire des trottoirs dans les villes ou la corvée des routes dans les campagnes d’Europe.

Mais les choses changent d’aspect quand on leur impose, outre le paiement de fortes taxes en argent, l’obligation de construire des prisons, des gîtes d étape, des habitations pour les Européens de passage, des chemins de fer, des routes pour automobiles, pour ne plus parler des fournitures de vivres ou de la récolte forcée du caoutchouc, qui auront achevé de disparaître dans le délai de deux ans.

En pareil cas, évidemment, ce qui détermine le recours à la contrainte, c’est l’intérêt, non de ceux qui habitent, mais de ceux qui exploitent la contrée pour en tirer hâtivement la plus grande somme possible de richesses.

On ne manquera pas de dire, il est vrai, que dans le système de la corvée ou de l’impôt en travail, les indigènes trouvent eux aussi leur intérêt, soit qu’ils reçoivent une rémunération, soit qu’ils profitent, en dernière analyse, de la construction de voies ferrées, de la mise en valeur du territoire, de l’existence d’un gouvernement qui leur garantit l’ordre et la sécurité.

Mais, tout d’abord, ce qui caractérise, en général, la rémunération du travail forcé, quand rémunération il y a, c’est sa flagrante insuffisance ; et, d’autre part, s’il est vrai que, dans une certaine mesure, les indigènes tirent avantage de la protection gouvernementale, de l’exploitation des richesses naturelles ou de l’exécution de travaux publics, cet avantage, presque toujours, est tellement indirect, lointain, insaisissable, que la plupart d’entre eux ne s’en rendent pas compte.

La contrainte leur apparaît donc, simplement, comme l’usage du droit de la force, et, en fait, dans l’immense majorité des cas, elle n’est qu’une forme larvée de l’esclavage, ou, plus exactement, — sous l’apparence trompeuse d’institutions modernes, — du servage.

Or, ce que doit être ce servage, lorsque les maîtres sont d’une autre race que les serfs, et lorsque leur domination