Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/209

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D’où il résulte, enfin, qu’à raison de leur irrégularité et de leur nonchalance, ces ouvriers noirs reviennent assez cher, même quand le taux nominal de leurs salaires est modique. Au surplus, si, dans le Bas Congo, les manœuvres se contentent de 40 à 50 centimes par jour, plus la ration, dès qu’il s’agit d’ouvriers qualifiés, la rémunération s’élève rapidement. Au chemin de fer du Stanley Pool, par exemple, il y a des machinistes qui gagnent jusqu’à 300 francs par mois !

Il n’est donc pas douteux, en somme, que l’Afrique équatoriale, par le fait de son climat, de la facilité qu’ont les indigènes à y vivre, de l’existence de terres libres, qui fait obstacle à la généralisation du salariat, n’est pas précisément le paradis des capitalistes, dès l’instant où la contrainte n’intervient point pour leur procurer des bras, gratuitement ou à vil prix.

Mais ces difficultés que rencontre le recrutement d’une main-d’œuvre normale, tiennent bien moins à la race qu’aux conditions économiques, et la preuve, c’est qu’on les rencontre partout où les mêmes conditions économiques se rencontrent, quelle que soit la race des travailleurs auxquels on fait appel.

On connaît l’histoire, dite par Wakefield, de ce capitaliste qui était allé s’établir aux antipodes avec des travailleurs qu’il comptait exploiter à son gré :

M. Peel — raconte-t-il — emporta avec lui d’Angleterre pour Swan River (Nouvelle-Hollande), des vivres et des moyens de production d’une valeur de cinquante mille livres sterling. M. Peel eut, en outre, la prévoyance d’amener avec lui, trois mille individus de la classe ouvrière, hommes, femmes et enfants. Une fois arrivés à destination, tous s’empressèrent de s’établir à leur compte sur les terres libres d’alentour et M. Peel resta sans un domestique pour faire son lit ou pour lui puiser de l’eau à la rivière.

Des faits analogues se produisent au début de toutes les entreprises coloniales, qu’il s’agisse d’ouvriers importés ou d’autochtones que l’on veut assujettir au salariat.