Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/273

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il m’envoie une triste contre-partie en disant : Les choses sont pires ici que tout ce que j’ai jamais vu.

Une situation explique l’autre, car avec plus de trois quarts de million d’impôt à prélever au moyen du travail forcé, la charge en doit bien tomber quelque part, et apparemment elle retombe sur les infortunés habitants des parties éloignées, où pénètre rarement l’œil vigilant du consul ou du missionnaire.

Il y a donc amélioration, mais cette amélioration n’est pas générale. Dans certaines parties du Congo même, la situation serait plus mauvaise que jamais. Dès lors, à cette question : « Les partisans des réformes ont-ils gain de cause et peuvent-ils désarmer ? », il n’y a qu’une réponse possible, et cette réponse est négative.

Aussi bien, les réformes ne sont pas faites. Elles ne sont que décrétées. Leur application commence à peine. Pendant deux années encore, les indigènes de l’Uele et des provinces centrales resteront soumis au travail forcé, à la corvée des vivres et du caoutchouc ; et, même à l’expiration de ces deux années, si de nouvelles et indispensables réformes ne se font pas, la contrainte s’exercera encore pour certaines catégories de travaux, les habitants continueront à être frustrés de leurs droits sur le sol, les taxes en argent, jointes aux corvées locales, seront presque aussi onéreuses que l’ancien impôt des quarante heures.

Dans ces conditions, il faut que la campagne réformiste continue, et l’on peut même dire qu’elle devra continuer indéfiniment, car, après l’abolition des abus les plus criants, il faudra faire œuvre de civilisation positive, aider les indigènes à évoluer vers des formes plus hautes d’organisation politique et sociale.

Mais, au point où en sont les choses, reste-t-il nécessaire que cette campagne soit menée ailleurs qu’en Belgique, et que, notamment en Angleterre, aux États-Unis, en Suisse, et depuis peu en Allemagne, des ligues pour la défense des indigènes du Congo continuent à exercer sur le gouvernement belge une pression qui ne s’exerce sur aucun autre gouvernement colonial ?