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propriété de rapport, dont il emploiera librement les revenus.

Banning, Lambermont, Beernaert protestent, et perdent, pour toujours, la confiance du souverain[1].

Wauters, directeur du Mouvement géographique, devient aussi hostile à l’État qu’il était enthousiaste au début.

Thys, avec les sociétés commerciales qu’il dirige, oppose, au système du travail forcé, que le Roi va établir, un régime de travail libre, qui fera merveille à la Compagnie du chemin de fer.

Quant à Stanley, qui a quitté le Congo, en 1884, pour n’y plus revenir, on trouve, dans la biographie éditée par sa veuve, la note suivante, écrite en 1896 :

Le roi des Belges a souvent exprimé le désir que je retourne au Congo ; mais y retourner, ce serait pour y voir les fautes commises, pour y être quotidiennement torturé en voyant les effets d’une politique ignorante et erronée. Il faudrait reconstruire une grande partie de la machine gouvernementale et ce ne serait pas sans donner une malaria morale aux réorganisateurs. Nous avons pris l’habitude d’appeler de vastes et profondes couches d’ordure : écuries d’Augias : comment appellerons-nous ces années de gouvernement stupide, de funeste usurpation de l’exécutif, d’officiers non qualifiés, d’administration tracassière, de négligence dans chaque station, de confusion et de pillage de tous les offices ? Ces maux sont devenus habituels et, pour mettre fin, il faudrait essuyer des ennuis et des tracas dont la seule pensée m’exaspérerait les nerfs et me rendrait malade[2].

Bref, après 1892. Léopold II reste seul, avec des sous-ordres, des hommes de second plan, des exécuteurs passifs de sa toute puissante volonté.

C’est avec M. Wahis comme gouverneur, MM. Van Eetvelde, Cuvelier et Liebrechts comme secrétaires, et plus tard M. de Smet de Naeyer comme ministre, qu’il crée le régime d’abso-

  1. Il existe à Bruxelles, au ministère des Affaires étrangères, un volume relié, contenant deux ou trois mémoires de Banning, deux notes de Lambermont, et une note au crayon, de sept a huit pages, de la main de M. Beernaert, indiquant tous les dangers du système. Nous n’avons malheureusement pas pu obtenir communication de ce document.
  2. The autobiography of sir H. Stanley. London, 1909. p. 537.