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taient, mais un salaire dérisoire de leur main-d’œuvre, payé en marchandises scandaleusement surévaluées. Aussi, la conséquence logique de l’appropriation des produits naturels du sol par l’État, ou par des Compagnies concessionnaires de l’État, c’était — sous peine de n’obtenir rien qui vaille — le travail forcé.

Dans la partie du Domaine exploitée directement par l’État — D. P. ou D. C. — on contraignit les indigènes, sous prétexte d’impôt en travail ou en nature, à des prestations qui, jusqu’en 1903, furent fixées arbitrairement par les agents de l’État. Par la suite, un décret du 18 novembre 1903 établit une législation uniforme en matière « d’impôts », pour tout le territoire de l’État, fixant, en principe, à une durée de quarante heures effectives par mois, les travaux à effectuer par tout indigène adulte et valide. Mais partout, ainsi que le constata la Commission d’enquête, cette loi fut effrontément violée[1].

Dans les territoires concédés à des Compagnies, l’État leur délégua une partie de ses pouvoirs : il les autorisa à exiger des noirs le travail du caoutchouc, ainsi que d’autres prestations, et à exercer contrainte pour les obtenir. Cette délégation, d’abord tacite, ensuite formelle, fut régularisée par le décret du 18 novembre 1902, qui établit, pour les indigènes de tous les territoires, l’impôt de quarante heures, et permit au Gouverneur général de commissionner les agents commerciaux pour lever cet impôt.

On sait à quels abus ce système donna lieu[2].

Dans son rapport de 1905, la Commission d’enquête exprime l’avis que la délégation du droit de percevoir l’impôt et d’exercer la contrainte à des agents de sociétés particulières, âpres au gain, stimulés par l’appât de primes considérables, et souvent mal recrutés, fut la cause principale des faits les plus graves qu’elle eut à constater[3].

  1. Bulletin officiel, 1905, nos9 et 10, p. 192.
  2. Louwers. Lois en rigueur dans l’État Indépendant du Congo, Bruxelles, 1905, p. 535.
  3. Bulletin officiel, 1905, nos9 et 10, p. 226.