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CHAPITRE III

LE TRAVAIL FORCÉ


Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, je dirais : les peuples d’Europe avant exterminé ceux de l’Amérique, ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique pour s’en servir à défricher tant de terres. Ceux dont il s’agit sont noirs des pieds à la tête ; ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir.
Montesquieu. (Esprit des Lois.)
Auferre, trucidare, rapere falsis nominibus imperium, atque ubi solitudinem faciunt, pacem appellant.
Tacite.


Les décrets de 1891-1892, qui faisaient de Léopold II le maître absolu, le propriétaire de tout le Congo, eussent été inefficaces, si le Souverain n’était pas parvenu à se procurer les forces de travail nécessaires pour mettre en valeur cet immense territoire.

Or, étant donné le climat, la seule main-d’œuvre d’exécution sur laquelle il fut possible de compter, d’une manière permanente et durable, était la main-d’œuvre indigène recrutée sur place.

Certes, dans les débuts, et notamment pour la construction du chemin de fer de Matadi au Stanley Pool, on eut recours à des gens de la côte, ou bien à des Chinois et des Barbades — dont les neuf dixièmes succombèrent — ; mais par sa nature même, cette importation de travailleurs ne pouvait fournir qu’un nombre restreint d’ouvriers spéciaux, pendant une période de transition plus ou moins longue. Aussi, pour la recolle des produits forestiers, le portage ou le pagayage,