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l’établissement de cultures vivrières, le développement des moyens de communication, était-il indispensable de trouver chez les autochtones les bras nécessaires à la mise en exploitation du pays.

C’est pour arriver à ce résultat que l’État du Congo, ayant supprimé tout stimulant au travail libre, par la confiscation, dans la plupart des districts, des produits naturels qui auraient pu servir de matière commerçable aux indigènes, organisa progressivement un vaste système de contrainte, dont les traits essentiels se trouvent décrits dans le rapport de la Commission d’enquête de 1905.

L’évolution de ce système, d’ailleurs, coïncide avec l’évolution du régime foncier.


§ 1. — Le décret de 1892 et la loi des quarante heures.


Aussi longtemps que dura la période de liberté commerciale, aucune mesure ne fut prise pour contraindre les indigènes au travail. C’est à partir de 1891 seulement que des décrets successifs, ne visant encore que des cas particuliers, établirent soit des redevances domaniales, soit des prestations obligatoires à fournir par les localités ou les chefs indigènes.

Mais, le 5 décembre 1892, un décret du Roi-Souverain (non publié au Bulletin officiel) chargea le Secrétaire d’État Van Eetvelde « de prendre toutes les mesures qu’il jugera utiles ou nécessaires pour assurer la mise en exploitation du Domaine privé », et c’est dans ce décret que, pendant plus de dix ans, l’Administration crut pouvoir puiser le droit d’exiger des prestations en travail et de déléguer ce droit aux Sociétés concessionnaires, sans que la nature ou le taux de ces prestations fussent déterminés et sans que l’on fixât d’une manière quelconque les moyens de contrainte à employer pour leur recouvrement.

Ce régime de complet arbitraire ne tarda pas à entraîner des abus d’autant plus graves que les agents de l’État, aussi