Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pendant les premiers temps, en effet, les agents avaient eu « carte blanche ». Des crimes abominables étaient restés impunis. L’autorité administrative était même intervenue, en maintes circonstances, pour arrêter des poursuites que le parquet avait entamées[1]. Néanmoins, quelques coupables, particulièrement compromis, furent déférés à la justice, et comme il apparut clairement que, dans la plupart des cas, la cause première des faits qui leur étaient reprochés était le système de contrainte qu’ils étaient chargés de mettre en vigueur, le tribunal de Boma se posa la question de savoir si ce système avait une base légale, et, par deux arrêts successifs, exprima l’opinion que, dans l’état de la législation, nul ne pouvait forcer les indigènes au travail.

Dans ces conditions, le gouvernement comprit la nécessité de réglementer la matière et édicta le décret du 18 novembre 1903.

En vertu de ce décret, dont les dispositions principales ne cesseront entièrement d’être en vigueur que le 1er juillet 1912, tout indigène adulte et valide est soumis à des prestations qui consistent en travaux à effectuer pour l’État. Ces travaux doivent être rémunérés. Ils ne pourront excéder au total une durée de quarante heures effectives par mois. La rémunération ne pourra être inférieure au taux réel des salaires locaux. Un recensement des indigènes doit être fait par les soins des commissaires de district. Le recensement sert de base au rôle des impositions qui doit indiquer nominativement les contribuables des villages.

Il va sans dire que cet impôt rémunéré n’est pas un impôt véritable, mais un moyen de contraindre les indigènes à travailler pour l’État, cinq jours au moins par mois, pour un salaire qui fut toujours, en fait, énormément inférieur à celui qu’eussent exigé des travailleurs libres.

À l’époque où la Commission d’enquête arriva au Congo,

  1. Rapport de la Commission d’enquête. (Bulletin officiel, 1905, nos 9 et 10, p. 163.)