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ganisation meilleure des ravitaillements, le développement des cultures vivrières eussent bientôt contraint les indigènes à se montrer moins avides.

Mais à partir du moment où les « impôts en travail » furent établis, la question des vivres fut résolue par des procédés beaucoup plus sommaires.

On obligea les « contribuables », en fixant les prix d’autorité, à apporter dans les postes de l’État tout ce qui était nécessaire à la nourriture des blancs : gibier, poisson frais, petit bétail, poules et canards.

On les obligea à fournir, pour l’entretien du personnel noir, le poisson séché et les chikwangues (pains de manioc) qui constituent au Congo le fond de l’alimentation des travailleurs et des soldats de la Force publique.

Dans les petites stations, où les soldats et travailleurs n’étaient pas trop nombreux, et le blanc pas trop exigeant, pareil régime n’avait d’autre inconvénient que d’obliger les indigènes à céder leurs denrées au-dessous de la valeur qu’elles eussent atteint sur un marché libre.

Mais lorsqu’il s’agissait de ravitailler une grande station, avec des centaines, ou même des milliers de bouches à nourrir, la corvée des vivres devenait terriblement lourde.

L’exemple de Léopoldville, cité par la Commission d’enquête, est caractéristique.

Au moment où la Commission y passa, en 1904, environ 3.000 travailleurs et soldats y étaient concentrés. Comme les alentours étaient faiblement peuplés, on avait été obligé d’étendre, d’une manière absolument anormale, la région dont les habitants devaient fournir des chikwangues au personnel noir de Léopoldville. Un village situé à 79 kilomètres au sud était encore imposé pour 350 chikwangues ! Afin d’égaliser, dans la mesure du possible, les charges de l’impôt, on avait divisé la région en trois zones à peu près concentriques. Les villages les plus éloignés de la première zone étaient à 30 kilomètres de Léopoldville : la distance maxima pour la