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Ils détestent, pendant les pluies de la saison chaude, d’être exposés, presque nus, à des averses diluviennes. Ils regrettent le temps où, libres encore, la guerre, la chasse, la danse, les palabres étaient leur principale occupation.

Encore passeraient-ils, sans doute, sur ces regrets ou ces inconvénients, s’ils étaient convenablement payés. L’expérience d’autres colonies, et même d’autres parties du Congo, comme le Lomami, prouve que les indigènes ne se refusent pas à faire du caoutchouc, quand ils en reçoivent réellement la contre-valeur. Mais, dans les régions soumises à l’impôt en travail, où les corvéables de l’État et des Compagnies n’obtenaient, pour un kilo de caoutchouc, que des marchandises valant à peine quelques centimes, il était inévitable que la contrainte la plus brutale parvienne seule à les faire travailler.

En résumé, après comme avant le décret du 18 novembre 1903, l’État, ses agents ou les agents des Compagnies, à qui le droit de lever des impositions était délégué, recouraient à la fiction de l’impôt pour se procurer tout ce dont ils avaient besoin, depuis le gibier, les volailles, le poisson frais destinés aux blancs, ou les chikwangues nécessaires à l’entretien des travailleurs noirs, jusqu’à la main-d’œuvre requise pour le service des transports, l’exécution des travaux publics et, surtout, l’exploitation du Domaine.

Dans ces divers cas, il est vrai, le travail fourni par les indigènes était rétribué. Mais, nous l’avons vu, le taux de cette rétribution, laissé d’abord à l’appréciation des agents, puis fixé, dans des conditions de contrôle insuffisantes, par les commissaires de district, était dérisoire ; et, de plus, les indigènes, au lieu d’être payés en argent, recevaient pour salaire des marchandises surévaluées[1] dont souvent ils n’avaient pas l’emploi.

  1. M. Stanislas Lefranc écrivait encore en 1908 : « Un kilog. de sel vaut actuellement 2 francs : il se vendait il y a quelques années, 5 et 6 francs, et en avril 1907, il coûtait encore à Lado, 3 fr. 78 ; 250 grammes de tabac