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Aussi ne faut-il pas s’étonner que pareille rémunération ait été absolument insuffisante pour amener les indigènes à s’acquitter, sans résistance, de leurs prestations et que, pour les y forcer, on ait dû recourir à des procédés de contrainte que le rapport de la Commission d’enquête énumère comme suit :

1° L’application de la chicotte aux récalcitrants ;

2° L’arrestation des chefs ou la détention, comme otages, des habitants pris au hasard, souvent des femmes ;

3° L’institution de sentinelles, ou de capitas armés, chargés de rappeler aux noirs leurs obligations, de veiller à ce qu’ils se rendent en forêt, et d’accompagner les récolteurs qui venaient aux postes ;

4° Les expéditions militaires de l’État ou des Compagnies, qui se terminaient, souvent, par l’incendie des villages et par le massacre d’un nombre plus ou moins grand d’indigènes.

C’est dans l’application de ces procédés de contrainte que furent commises, soit par des blancs, soit par des noirs, agissant avec ou sans ordres, la plupart des atrocités qui ont valu à l’Abir, à la Société Anversoise, à l’État du Congo lui-même, leur sinistre réputation.

Pendant longtemps, au surplus, l’opinion publique belge se refusa à croire que cette réputation fût justifiée. Presque toute la presse était acquise à la défense du régime Léopoldien. Les ministres de Léopold II ne perdaient aucune occasion de faire l’apologie de l’État Indépendant et d’affirmer « qu’aucun État n’avait fait plus que lui, et que bien peu d’États avaient fait autant que lui, pour la protection des indigènes ».[1] Le 2 juillet 1903, répondant à une interpellation de M. Vandervelde, M. de Favereau, ministre des Affaires étrangères, disait :

    de qualité inférieure, 3 fr. 60 ; une brique de savon d’environ 60 grammes, 55 centimes ; des couteaux rouillés, ébréchés, absolument inutilisables, 1 fr 80 ; des perles, 5, 10 et 15 francs le kilog. » (Le Régime congolais, 1er  fasc. Opinion d’un magistrat du Congo.) — M. Lefranc m’a montré ces objets, qu’il avait rapportés à titre de spécimens, et j’ai pu faire des constatations analogues quelques mois après, dans la Mongala.

  1. Annales parlementaires, 1902-1903, p. 1739.