Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/94

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ayant exercé des fonctions importantes, décrivait, en ces termes, la situation des travailleurs ainsi transportés :

« Vous savez, pour l’avoir vu, comment voyagent ces malheureux sur le fleuve. Entassés sur le pont inférieur le jour, jetés parfois parmi les herbes humides, à la rive, le soir — on ne s’arrête pas toujours à un poste —, ils grelottent pendant les heures de nuit et doivent précipitamment se rembarquer à cinq heures du matin. »

Faut-il s’étonner que, dans ces conditions, craignant d’être envoyés pour cinq ans, à 1.500 ou 2.000 kilomètres de chez eux, dans un pays où le climat, les conditions de vie, le régime alimentaire sont très différents du leur, beaucoup d’indigènes, menacés par le recrutement, prenaient la brousse et devaient être capturés par la Force publique !

Le ministre des Colonies, il est vrai, contesta qu’il en fût ainsi, en se fondant sur les discours prononcés au Conseil colonial par MM. Dubreucq et De Clercq ; mais M. Vandervelde produisit, indépendamment de nombreux extraits de rapports consulaires anglais, le passage suivant d’un rapport de M. Grébant de Saint-Germain, alors substitut à Stanleyville, depuis faisant fonctions de procureur général, en date du 2 février 1905, établissant que, même après le passage de la Commission d’enquête, on recourait à la capture des indigènes pour les travaux publics :

De nombreux et importants travaux sont actuellement entrepris par l’État dans la Province Orientale : outre les travaux ordinaires et courants, je citerai le chemin de fer des Grands Lacs, les recherches minières dans le Haut Ituri, les travaux de fortification.

Tout cela demande un formidable personnel. Vouloir le recruter, l’engager avec le décret du 8 novembre 1888 (décret sur les engagements volontaires) serait une utopie. Les appels au travail volontaire ont peu d’écho chez le noir indolent, surtout lorsqu’il doit se rendre loin de ses foyers.

De là la nécessité, si l’on veut voir les travaux s’exécuter, de recourir à des moyens arbitraires. Les gens sont pris de force, amenés sur les travaux, où les maintient la peur du fouet et de