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la prison. Plus tard, il est vrai, un certain nombre, prenant goût à leur genre de vie, restent librement.

On était d’accord pour admettre, en efïet, que ceux parmi les noirs qui résistaient aux épreuves du voyage et parvenaient à s’adapter au milieu nouveau, étaient convenablement payés, nourris et traités par l’administration du chemin de fer des Grands Lacs. Néanmoins, leurs salaires étaient inférieurs à ceux qu’eussent obtenus des travailleurs libres ; la contrainte restait à la base du système, dans des conditions particulièrement inacceptables, et, sur ce point, le ministre ne put que plaider les circonstances atténuantes. Il prit d’ailleurs l’engagement de réaliser, à titre provisionnel, les réformes suivantes, qui avaient été réclamées par le Conseil colonial : 1° paiement des travailleurs en argent ; 2° double ration, lorsque le travailleur vivrait avec une femme ; 3° réduction à trois ans de la durée du temps de service.

Pour le surplus, le ministre se réservait de prendre des mesures définitives, à son retour du voyage qu’il allait faire au Congo.

En somme, le système du travail forcé, que nous venons de décrire, aura duré vingt ans, et il ne fallut pas moins de dix ans, pour que les horreurs qu’il engendrait, soient portées, avec des preuves irrécusables, à la connaissance du public.

Au Congo même, des voyageurs traversaient le pays, sans rien voir ; des missionnaires, tels que Grenfell, séjournaient sans rien connaître que par ouï-dire, et sans croire à autre chose que des crimes individuels.

Cela serait incompréhensible si, dans toutes les parties du territoire, le système avait été appliqué avec la même rigueur, avec les mêmes excès.

Mais on sait, maintenant, par la mise au jour de certaines circulaires confidentielles, que l’État prenait ses précautions et faisait preuve, dans l’application de ses décrets, d’un ingénieux opportunisme.