Page:Varenne de Beost - La cuisine des pauvres, 1772.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
48
Mémoire ſur les Pommes de terre

un tiers de Pommes, le Pain eſt tel qu'il eſt difficile de s'appercevoir qu'il n'eſt pas de pur Froment.

Ce mélange étant fait, on pétrit avec du levain ordinaire, & en même quantité que l’on a coutume d'en mettre, II faut peu d'eau, puiſque cette bouillie en contient preſqu'autant qu'il eſt néceſſaire. Cette pâte leve très-bien ; on en fait des Pains plus ou moins grands, que l’on met cuire au Four à l’ordinaire, obſervant de ne le pas tant chauffer. Un trop grand degré de chaleur brûlerait ce Pain, ou tout au moins, le rendrait noir à l’extérieur, quoique l’intérieur n'en fût pas moins blanc. II ſe fait une tranſſudation conſidérable ſur la ſurface, qui étant frappée d'une grande chaleur, la noircirait ; & comme d'ailleurs ce Pain n'exige pas une ſi forte cuiſſon, il faut moins chauffer le Four, & c'eſt encore une économie.

Avec cette attention, on aura de fort beau Pain, qui ne différera point en apparence du Pain de Froment. II eſt léger, très blanc & de bon goût. La groſſe Farine qui ne donnerait que du Pain bis, étant mêlée avec les Pommes de terre, donne du Pain plus blanc, qui a l’avantage de se conſerver frais bien plus longtemps que le Pain de Froment. J'en ai gardé pendant quinze jours : il étoit encore bien mangeable, & tel que ſerait le Pain ordinaire, après cinq ou six jours de cuiſſon, On peut s'en ſervir de même dans le potage.

Ceux qui connoiſſent les bonnes qualités de la Pomme de terre, ne peuvent douter que ce Pain ne ſoit très-ſain. De quelle reſſource ne ſeroit-il pas dans les temps de diſette ? Et pourquoi n'en feroit-on pas toujours uſage dans les Campagnes, les Communautés peu riches, les Hôpitaux, &c. où l’on ne mange souvent que du Pain de mauvais grains ?

Des Curés, des Seigneurs de Paroiſſes qui font des diſtributions de Pain aux Pauvres, trouveraient de l’avantage à donner de celui-ci. Ils doubleraient leur aumône, ſans augmenter la ſomme qu'ils y deftinent, où ils en réserveraient la moitié pour d'au-